De l’opportunité de faire appel… dans le contentieux sportif disciplinaire.

L’appel, voie de recours contre une décision de premier ressort, est parfois source de débats, même en France. L’actualité nous conduit naturellement à l’analyse de la décision de la Commission supérieure d’appel de la Fédération Française de Football (FFF) d’aggraver la sanction de suspension qui touche le joueur Mamadou Bagayoko (de quelle autre affaire pourrait-on parler ?). Sanctionné en première instance par la Commission de discipline de la Ligue de Football Professionnel (LFP) d’une suspension jusqu’au 31 janvier 2010, la peine a été alourdie jusqu’au 15 février 2010 par la Commission supérieure d’appel de la FFF.

L’objet de ce billet n’est pas de revenir sur les faits de l’espèce mais, plutôt, de s’interroger, plus généralement, sur les voies de recours fédérales. Les règles classiques du contentieux administratif sont applicables au contentieux disciplinaire des fédérations délégataires, notamment le respect des droits de la défense. Le Conseil d’Etat a ainsi  décidé qu’ « une sanction disciplinaire ne peut être aggravée, sur le seul recours de la personne qui en a fait l’objet ». Cette règle est désormais écrite à l’article 16 du règlement disciplinaire type des fédérations agréées : « Lorsque l’organe disciplinaire d’appel n’a été saisi que par l’intéressé, la sanction prononcée par l’organe disciplinaire de première instance ne peut être aggravée ».

Cette règle, protectrice des intérêts de la personne sanctionnée, ne s’applique, comme le dit clairement le texte, que si l’intéressé est le seul à faire appel. Dès lors qu’un organe fédéral se joint à ce recours, l’organe disciplinaire d’appel est tout à fait compétent pour aggraver la sanction. C’est la raison pour laquelle, dans l’affaire citée plus haut, le Conseil fédéral de la FFF ayant aussi fait appel, le joueur a été sanctionné plus lourdement par la Commission supérieure d’appel de la FFF qu’il ne l’avait été par la Commission de discipline de la LFP.

Ce qui frappe à la lecture du procès-verbal qui reprend l’ensemble des décisions prises à la suite de la réunion du 12 janvier 2010, c’est que le Conseil fédéral de la FFF joint systématiquement son appel à celui de la personne sanctionnée en première instance. C’était également le cas lors des séances précédentes du 15 octobre 2009, du 22 septembre 2009 et du 20 juillet 2009.

A la lumière de cette constatation, on peut se demander si l’article 16 du règlement disciplinaire type a toujours une raison d’être, dès lors qu’il suffit au conseil fédéral de se joindre à l’appel d’une personne sanctionnée en première instance pour que celle-ci ne bénéficie plus de la garantie de ne pas être sanctionnée plus lourdement. Cette politique, qui n’incite certainement pas les intéressés à profiter d’un double degré de « juridiction », ne traduit-elle pas un exercice abusif du droit d’appel de la part de la fédération ? Pour reprendre les propos d’un ancien Garde des sceaux, s’exprimant sur une autre affaire, « ce n’est pas parce que vous avez un droit que vous êtes tenu de vous en servir« .

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Marc Peltier

Maître de conférences

Directeur du Centre de droit du sport de l’Université de Nice Sophia-Antipolis

Une Réponse to “De l’opportunité de faire appel… dans le contentieux sportif disciplinaire.”

  1. fortier Says:

    Tres interressant mais que dire des faits dénoncés qui ne sont JAMAIS sanctionnés, ou alors avec des procédures qui durent un an au leu des 6 mois prévus.

    comment légitimer une fédération qui ne sanctiionne jamais, par copinage des faits graves avérés alors que les règles techniques et déontologiques doivent être respctées, et que les sanctions doivent etre proportionnelles à la gravité de fautes commises ?

    en d’autres termes le plaigant qui engage des poursuites disciplinaires a t il qualité et intérêt a agir contre une fédérartion qui, volontairement , couvre des faits graves qui lui sont révélés ?

    en l’espèce cette fédération, dans ses textes adoptés en AG autorise le simple licencié fédéral à engager lui même les poursuites disciplinaires, il doit etre convoqué comme plaignant, il peut faire appel car le pouvoir disciplinaire n’est pas entre les seules mains de la fédération mais de ses licenciés, ce qui modifie les droits du plaignant ! non ? hors des « amis » mis en cause ne sont JAMAIS punis même pour des fautes gravissimes. le TGI pourra t il recevoir une demande émanant du demanduer mcontent de la violation des textes légaux et statutaires ? sans parler du fonds des décisions qui blanchissent à tout va des indélicats.


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